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Ayla se leva à la hâte du rocher où elle était allongée, mit ses vêtements propres, ramassa la peau de daim, siffla Loup. Tandis qu’elle montait vers l’entrée de l’abri, elle se rappela la première fois où elle était venue nager là avec Jondalar, le jour où Marona et ses amies avaient proposé de lui donner des vêtements neufs.

Ayla avait fini par supporter les autres femmes, mais elle n’avait jamais surmonté l’aversion que lui inspirait Marona et elle avait évité tout contact avec elle. Ce sentiment était plus que réciproque. Marona n’avait jamais tenté de devenir amie avec la femme que Jondalar avait ramenée de son Voyage. Elle s’était unie une deuxième fois au cours de l’été où Ayla et Jondalar l’avaient fait, mais aux secondes Matrimoniales, et une troisième fois plus récemment. Ces unions n’avaient pas été heureuses non plus, semblait-il ; elle était revenue s’installer dans la Neuvième Caverne avec sa cousine un an plus tôt. Malgré toutes ces unions, elle n’avait pas d’enfants.

Ayla ne l’aimait pas et se demandait pourquoi elle pensait à elle. Elle la chassa de son esprit et se concentra sur Jondalar.

Comme je suis contente d’aller enfin à la Réunion d’Été ! pensa-t-elle. Je peux monter Whinney et ça ne me prendra pas longtemps pour arriver là-bas, pas plus d’un jour si je ne m’arrête pas en chemin.

La Réunion d’Été se tenait cette année-là à une trentaine de kilomètres au nord au bord de la Rivière, à son lieu de réunion préféré. C’était là qu’elle avait assisté à sa première Réunion d’Été, celle où Jondalar et elle s’étaient unis. Ces vastes rassemblements avaient d’ordinaire pour effet d’épuiser presque toutes les ressources locales, mais si on laissait passer assez de temps, la Terre Mère régénérait l’endroit suffisamment pour qu’il puisse de nouveau accueillir autant de monde.

La jeune femme fit irruption dans son logis, pleine de vigueur et d’enthousiasme, et elle commença à trier les affaires qu’elle souhaitait emporter. Elle fredonnait à mi-voix sur son ton monocorde habituel quand Marthona entra.

— Te voilà soudain tout excitée, remarqua-t-elle.

— Je vais à la Réunion d’Été. Mon apprentissage est fini. Rien ne m’empêche de partir, répondit Ayla.

— Tu es sûre d’avoir assez de force ? demanda Marthona, une ombre de regret dans la voix.

— Tu as pris soin de moi. Je me sens bien et j’ai vraiment envie de voir Jondalar et Jonayla.

— Ils me manquent aussi, mais cela fait loin pour y aller seule. Je pensais que tu pourrais attendre que le prochain chasseur vienne prendre la relève pour nous aider. Tu pourrais alors partir avec Forason.

— Je vais monter Whinney. Ça ne prendra pas longtemps. Sans doute pas plus d’une journée. Deux au plus.

— Oui, tu as probablement raison. J’avais oublié que tu emmènerais un cheval, et Loup aussi.

Ayla remarqua la déception de Marthona et se rendit soudain compte à quel point elle avait envie elle aussi d’aller là-bas. De plus, sa santé la préoccupait toujours.

— Comment te sens-tu ? Je ne partirai pas si tu n’es pas bien.

— Non, ne reste pas pour moi. Je vais beaucoup mieux. Si je m’étais sentie aussi bien au début de la saison, j’aurais peut-être envisagé de partir.

— Pourquoi ne viens-tu pas avec moi ? Tu pourrais monter en croupe. Ça prendrait un peu plus de temps, mais pas plus d’une journée.

— Non, j’aime bien ce cheval, mais je n’ai pas envie de monter sur son dos. À dire vrai, il m’effraie un peu. Tu as cependant raison, il faut que tu y ailles. Tu dois annoncer à Zelandoni que tu as été appelée. Imagine sa surprise !

— De toute façon, l’été tire à sa fin. Tout le monde ne va pas tarder à rentrer, dit Ayla pour tenter de rendre la séparation moins pénible.

— Cela me fait un effet mitigé. J’ai hâte que la Réunion d’Été s’achève et que la Neuvième Caverne revienne, mais je n’attends pas le retour de l’hiver avec impatience. Il en est sans doute toujours ainsi quand on vieillit.

Ayla alla voir Lorigan et Forason. Elle savait très bien où trouver Jonclotan : avec Jeralda. Presque tout le monde était en train d’achever le repas autour du foyer communautaire.

— Viens te joindre à nous, Ayla ! lança Jeralda. Mange quelque chose. Il en reste encore beaucoup et c’est encore chaud.

— Volontiers. Depuis quelques jours, j’ai une faim de loup.

— Ça ne m’étonne pas, dit Jeviva. Comment te sens-tu ?

— Beaucoup plus reposée, répondit Ayla dans un sourire. J’ai décidé de partir sans tarder à la Réunion d’Été. J’ai fini mes observations célestes, je n’ai aucune raison de rester, mais nous devrions aller chasser encore une fois avant que je parte, tant pour ajouter aux réserves de ceux qui restent ici que pour avoir quelque chose à emporter à la Réunion. Il est fort probable que dans les parages du camp les animaux ont presque disparu et que ceux qui n’ont pas été tués évitent l’endroit.

— Tu ne vas quand même pas partir avant la venue de mon bébé ? objecta Jeralda.

— Si tu l’as dans les jours prochains. J’ai bien sûr envie de rester pour voir ce beau bébé. As-tu marché ?

— Oui, mais j’espérais tant que tu serais là pour m’aider.

— Ta mère est là ainsi que d’autres femmes qui savent s’y prendre avec les bébés, sans parler de Jonclotan. Tu n’auras aucun problème, Jeralda, affirma Ayla, qui regarda ensuite les trois chasseurs. Voulez-vous venir chasser avec moi demain matin ?

— Je n’avais pas prévu d’y aller avant quelques jours, mais peu importe, répondit Lorigan. Je peux t’accompagner demain, surtout si tu pars tôt. Je dois le reconnaître, je me suis habitué à ta petite meute, y compris au loup. Nous faisons du bon travail ensemble.

— Quelle direction veux-tu prendre ? s’enquit Jonclotan.

— Voilà un certain temps que nous ne sommes pas allés vers le nord, dit Forason.

— J’évitais cette direction car j’ignore jusqu’où les chasseurs de la Réunion d’Été doivent aller pour trouver du gibier. Je suis sûre qu’il se fait rare autour du camp, maintenant. C’est pourquoi je ne veux pas arriver les mains vides. Je peux transporter une carcasse de bonne taille sur le travois de Zelandoni, expliqua Ayla.

— Ce n’est pas dangereux ? s’inquiéta Jeviva. Ça ne va pas attirer un prédateur ? Peut-être ne devrais-tu pas partir seule.

Marthona s’était jointe à eux, mais elle ne dit mot, pensant que rien ne dissuaderait Ayla si elle était décidée à partir.

— Loup m’avertira et je crois qu’à nous deux nous pouvons repousser un prédateur à quatre pattes, répondit celle-ci.

— Même un lion des cavernes ? demanda Jeralda. Peut-être devrais-tu attendre que les chasseurs puissent t’accompagner.

Ayla savait qu’elle cherchait une raison pour qu’elle reste afin de l’aider à mettre au monde son bébé.

— Ne te souviens-tu pas que nous avons chassé une troupe de lions qui essayaient de s’installer trop près de la Troisième Caverne ? C’était trop dangereux. Ils auraient vu une proie dans chaque enfant ou vieillard, nous devions les déloger. Lorsque nous avons tué un lion et deux lionnes, les autres sont partis.

— Oui, mais vous étiez plusieurs, tu es seule, fit remarquer Jeralda.

— Non, Loup sera avec moi et Whinney aussi. Les lions s’en prennent de préférence à une proie dont ils connaissent la faiblesse. Le mélange de nos odeurs les troublera et je garderai mon lance-sagaie à portée de main. Et puis, si je pars tôt, je pourrai arriver là-bas avant la tombée de la nuit, rétorqua Ayla, avant d’ajouter, à l’intention des chasseurs : Demain, je propose d’aller vers le sud-ouest.

Restée un peu à l’écart, Marthona écoutait la conversation. Elle ferait un bon chef, pensa-t-elle. Elle prend le commandement sans même s’en rendre compte ; ça lui vient naturellement. Elle va être une puissante Zelandoni.

 

 

Les chasseurs revinrent le lendemain avec deux grands cerfs qui représentaient une quantité de viande appréciable. Ayla pensa les faire tirer par Whinney jusqu’à la Caverne, mais les autres chasseurs n’y songèrent même pas. Ils les préparèrent sur place, vidèrent leur estomac, nettoyèrent les intestins et jetèrent les boyaux, mais conservèrent les autres organes, puis empoignèrent leurs ramures et entreprirent de les tirer. Ils étaient habitués à ramener eux-mêmes les bêtes tuées.

Deux jours après, Ayla était prête à partir. Elle chargea tout sur le grand travois de Zelandoni, y compris l’un des deux cerfs, enveloppé dans une natte en herbe tressée que Marthona l’avait aidée à confectionner. Elle projetait de partir le lendemain matin et d’arriver le soir au camp de la Réunion d’Été sans avoir à mener Whinney trop durement. Mais il y eut un retard, pas vraiment inattendu. Jeralda commença à avoir des contractions au milieu de la nuit. Ayla était assez contente. Elle avait suivi sa grossesse tout l’été et n’avait pas vraiment envie de la laisser maintenant, si près du terme.

Cette fois-ci, Jeralda eut de la chance. Elle donna naissance à une fille avant midi. Son compagnon et sa mère étaient aussi heureux et excités qu’elle. Tandis qu’elle se reposait, Ayla commença à s’impatienter. Tout était prêt pour le départ ; par ailleurs, alors que laisser la viande vieillir un peu rehaussait sa saveur, si trop de temps passait elle risquait d’être un tantinet trop faisandée, à son goût du moins. Il ne lui fallait pas longtemps pour tout recharger, elle pouvait partir séance tenante. Mais il lui faudrait probablement passer une nuit en cours de route. Elle décida néanmoins de s’en aller.

Après avoir fait ses adieux et donné des instructions de dernière minute à Jeviva, Jeralda et Marthona, elle partit. Elle aimait chevaucher seule sur Whinney pendant que Loup bondissait à côté d’elles, et les deux animaux semblaient aussi y prendre plaisir. Le temps était doux, la couverture de monte apportait un confort supplémentaire et absorbait la sueur du cheval et d’Ayla. Celle-ci portait une tunique courte et son pagne d’étoffe, semblable à celui qu’elle avait quand Jondalar et elle s’étaient déplacés dans la chaleur estivale. Cela lui rappela leur Voyage et il lui manqua d’autant plus.

Son corps, un peu épaissi par le manque d’exercice ces dernières années, avait minci à la suite de son séjour mouvementé dans la grotte. Ses seins, devenus opulents quand ils étaient gonflés de lait pendant l’allaitement de Jonayla et à nouveau durant sa récente grossesse, avaient repris leur taille normale, et elle avait encore un bon tonus musculaire. Elle avait toujours eu la chair ferme et une belle silhouette, et bien qu’elle comptât maintenant trente-six ans, elle avait à peu près la même allure qu’à dix-sept.

Elle chevaucha jusqu’au coucher du soleil, puis s’arrêta et dressa le camp près de la Rivière. Dormir seule dans sa petite tente lui fit de nouveau penser à Jondalar. Elle se faufila sous ses fourrures, ferma les yeux et des visions de son compagnon se succédèrent ; elle avait envie qu’il soit là, ses bras autour d’elle, sa bouche sur la sienne. Elle ne cessait de se retourner, de s’agiter, n’arrivait pas à trouver le sommeil. À côté d’elle, Loup se mit à gémir.

— Je t’empêche de dormir, Loup ? demanda-t-elle.

Il se releva et pointa le museau dehors en grognant par l’ouverture triangulaire de la tente. Il rampa sous le rabat en grondant de façon plus menaçante.

— Loup ? Où vas-tu ? Loup ?

Elle détacha rapidement le rabat et sortit à son tour, munie de son propulseur et de deux sagaies. La lune était à son déclin, mais il y avait encore assez de lumière pour distinguer des formes. Whinney s’éloignait du travois. Malgré le manque de clarté, Ayla se rendit compte à la façon de se mouvoir de la jument qu’elle était nerveuse. Loup rasait le sol vers le travois, légèrement en arrière de celui-ci. Puis, l’espace d’un instant, elle aperçut une silhouette, une tête arrondie, deux oreilles terminées par une touffe de poils.

Un lynx !

Elle avait le souvenir d’un gros félin au pelage beige tacheté, à la queue courte et aux oreilles velues. Et disposant de longues pattes qui lui permettaient de courir vite. C’était sa première rencontre avec un lynx qui l’avait incitée à apprendre à lancer deux pierres rapidement l’une à la suite de l’autre avec sa fronde, de façon à ne pas se retrouver désarmée après le premier jet. Elle plaça une sagaie sur son engin en s’assurant qu’elle en avait une de rechange, prête à lancer.

Elle vit alors la silhouette s’approcher furtivement du travois.

— Aaaïïïe ! cria-t-elle en courant vers le félin. File d’ici ! Ce n’est pas à toi ! Va-t’en ! Va-t’en d’ici !

Effarouché, l’animal sauta en l’air, puis s’enfuit à toute allure. Loup se lança à sa poursuite, mais après quelques instants Ayla le siffla. Il ralentit, puis s’arrêta, et quand elle siffla de nouveau, il rebroussa chemin.

Ayla avait apporté un peu de petit bois. Elle s’en servit pour tenter de ranimer le feu. Les braises étaient éteintes et il lui fallut refaire du feu. Après avoir fait partir le petit bois, elle prit une torche pour aller chercher du combustible. Elle se trouvait dans une plaine traversée par la Rivière. Il y avait quelques arbres près du cours d’eau, mais le bois était vert ; elle trouva en revanche de l’herbe sèche et quelques crottes desséchées, sans doute de bison ou d’aurochs. Cela suffisait pour faire durer un moment le petit feu. Elle étendit ses fourrures près des flammes, se glissa dessous, Loup à côté d’elle. Whinney aussi resta près d’Ayla.

Elle somnola un peu durant la nuit, mais le moindre bruit la réveillait.

Elle se mit en route peu avant les premières lueurs de l’aube et elle ne s’arrêta que pour leur laisser le temps, à la jument, au loup et à elle, de boire à la rivière. Elle mangea une autre galette en chemin et aperçut la fumée des feux de camp avant midi. Ayla salua de la main quelques amis tandis qu’elle chevauchait le long de la Rivière en tirant le travois et elle se dirigea d’abord en amont vers l’endroit où la Neuvième Caverne avait campé auparavant.

Elle se rendit directement au vallon entouré d’arbres. Le corral en bois rudimentaire la fit sourire. Les chevaux hennirent doucement en guise de bienvenue dès qu’ils sentirent leur odeur. Loup courut en avant, frotta son museau aux naseaux de Rapide, qui était son ami depuis qu’il était petit, et à ceux de Grise, sur laquelle il avait veillé depuis la naissance de la jument. Il avait envers elle une attitude presque aussi protectrice qu’envers Jonayla.

En dehors des chevaux, le camp semblait désert. Loup se mit à renifler une tente familière et quand Ayla y porta son couchage, il était déjà près des fourrures dans lesquelles dormait habituellement Jonayla. Il la regarda et gémit, se languissant de l’enfant.

— Tu veux aller la chercher, Loup ? Vas-y, cherche Jonayla, dit-elle en le libérant du geste.

Il sortit en courant de la tente, flairant le sol pour repérer son odeur parmi les autres, puis il partit à toute allure, reniflant la terre de temps en temps. On avait vu Ayla arriver et, avant qu’elle ait eu le temps de décharger la viande, parents et amis vinrent l’accueillir. Joharran fut le premier, suivi de près par Proleva.

— Ayla ! Te voilà enfin ! s’exclama Joharran en se précipitant vers elle et en l’étreignant. Comment va Mère ? Tu n’as pas idée combien elle nous manque. Combien vous nous avez manqué.

Proleva l’embrassa à son tour.

— Oui, comment va Marthona ?

— Mieux, je crois. À mon départ, elle a dit que si elle s’était sentie aussi bien quand tout le monde est parti, elle serait peut-être venue.

— Et Jeralda ? demanda ensuite Proleva.

Ayla sourit.

— Elle a eu une fille, hier. Le bébé semble en parfaite santé, je ne crois pas qu’il soit né avant terme. Toutes les deux vont bien. Jeviva et Jonclotan sont très heureux.

— Apparemment, tu n’es pas arrivée les mains vides, dit Joharran en montrant le travois.

— Lorigan, Forason, Jonclotan et moi sommes allés chasser. Nous sommes tombés sur un troupeau de cerfs dans la Vallée Herbeuse et nous en avons abattu deux. J’en ai laissé un là-bas et j’ai apporté l’autre avec moi. J’ai pensé que de la viande fraîche serait la bienvenue. Je sais que les bêtes se font rares dans les parages en ce moment. Nous en avons mangé avant mon départ. C’est de la bonne viande ; les cerfs commencent à faire de la graisse pour l’hiver.

D’autres membres de la Neuvième Caverne arrivèrent, ainsi que des gens extérieurs. Joharran et deux d’entre eux entreprirent de décharger le travois.

Matagan, le premier apprenti de Jondalar, courut vers elle en boitant et la salua avec enthousiasme.

— Tout le monde se demandait quand tu allais arriver. Zelandoni n’arrêtait pas de répéter que tu n’allais pas tarder. Mais personne ne t’attendait en milieu de journée. Jondalar disait que tu viendrais sans doute à cheval et que tu ferais le trajet dans la journée.

— Il avait raison. C’est du moins ce que je projetais de faire, mais Jeralda a commencé à avoir des contractions au milieu de la nuit et elle a accouché hier matin. J’étais trop impatiente pour attendre, alors je suis partie dans l’après-midi et j’ai campé la nuit dernière, expliqua Ayla, tout en regardant autour d’elle et en se demandant où étaient Jondalar et Jonayla.

Joharran et Proleva se regardèrent et détournèrent rapidement les yeux.

— Jonayla est avec les autres filles de son âge, répondit Proleva. Les Zelandonia avaient une tâche à leur confier. Elles vont participer à une fête organisée par Ceux Qui Servent.

— Je ne sais pas vraiment où est Jondalar, dit Joharran, les sourcils froncés à la façon de son frère.

Il jeta un coup d’œil derrière Ayla et sourit.

— Mais il y a là quelqu’un qui veut te voir.

Ayla se retourna et suivit son regard. Elle vit un géant à la barbe et aux cheveux roux en broussaille.

— Talut ? C’est toi, Talut ? s’écria-t-elle en se précipitant vers le colosse.

— Non, Ayla. Pas Talut. Je suis Danug, mais Talut m’a chargé de t’embrasser, dit le jeune homme en l’étreignant affectueusement.

Elle se sentit non pas broyée – Danug avait appris depuis longtemps à se méfier de sa force – mais enveloppée, engloutie, presque étouffée en raison même de sa stature. Il était plus grand que Jondalar, qui mesurait déjà près de deux mètres, deux fois plus large d’épaules que deux hommes ordinaires, et ses bras étaient gros comme des cuisses d’homme. Elle ne put enlacer de ses bras sa poitrine massive et se fit la réflexion, en se reculant pour mieux le regarder, que si sa taille était relativement fine, ses cuisses et mollets musclés étaient énormes.

Ayla n’en avait connu qu’un qui était de proportions équivalentes à celles de Danug : Talut, l’homme auquel la mère de Danug était unie, le chef du Camp du Lion des Mamutoï. Si tant est que ce fût possible, le jeune homme était encore plus grand et fort.

— Je t’avais dit que je viendrais te voir un jour, dit-il. Comment vas-tu, Ayla ?

— Oh, Danug, dit-elle, les larmes aux yeux. Comme je suis contente de te voir. Quand es-tu arrivé ? Comment as-tu fait pour devenir si grand et fort ? Je crois que tu l’es encore plus que Talut !

Elle n’eut pas de mal à passer à la langue mamutoï, mais bien que ses mots fussent compréhensibles, ses questions n’en suivaient pas pour autant un ordre logique.

— Je le crois aussi, mais je n’oserai jamais le dire à Talut.

Ayla se retourna au son de la voix et vit un autre jeune homme. Il lui sembla inconnu, mais, à le regarder plus attentivement, elle lui trouva des similitudes avec d’autres qu’elle avait connus. Il ressemblait à Barzec mais était plus grand que l’homme courtaud et vigoureux, compagnon de Tulie, la Femme Qui Commande le Camp du Lion. Elle était la sœur de Talut, presque de la même taille que lui et de rang égal. Le jeune homme avait une certaine ressemblance avec tous les deux.

— Druwez ? dit Ayla. Tu es Druwez ?

— Il est difficile de se tromper avec ce gros balourd, dit le jeune homme en souriant à Danug, mais je ne savais pas si tu me reconnaîtrais.

— Tu as changé, dit Ayla en l’étreignant, mais je vois en toi ta mère et Barzec. Comment vont-ils ? Et comment vont Nezzie, Deegie et tous les autres ? demanda-t-elle en les embrassant tous deux du regard. Vous n’imaginez pas combien vous m’avez tous manqué.

— Tu leur manques aussi, dit Danug. Mais il y a avec nous quelqu’un d’autre qui brûle d’impatience de te rencontrer.

Un grand jeune homme au sourire timide et aux cheveux châtains et bouclés se tenait un peu à l’écart. Il s’avança sur l’invitation des deux Mamutoï. Ayla savait qu’elle ne l’avait jamais rencontré et pourtant il avait quelque chose d’étrangement familier qu’elle n’arrivait pas à définir.

— Ayla des Mamutoï… Zelandoni maintenant, je suppose, je te présente Aldanor, des S’Armunaï, dit Danug.

— Des S’Armunaï ! s’exclama Ayla.

Elle comprit soudain ce qui lui était si familier en lui : sa vêture, en particulier sa chemise. Elle était coupée et ornée dans le style unique de ce peuple auquel Jondalar et elle avaient involontairement rendu visite au cours de leur Voyage. Les souvenirs affluèrent. C’étaient des S’Armunaï, plus exactement le Camp d’Attaroa, qui avaient capturé Jondalar. Accompagnée de Loup et des chevaux, Ayla les avait suivis à la trace et l’avait retrouvé. Mais ce n’était pas la première fois qu’elle voyait une chemise de ce genre. Ranec, le Mamutoï avec lequel elle avait failli s’unir, en avait une, qu’il avait échangée contre des sculptures.

Ayla se rendit soudain compte qu’ils se dévisageaient mutuellement. Elle se reprit et s’avança vers le jeune homme, les mains tendues.

— Au nom de Doni, la Grande Terre Mère, appelée aussi Muna, tu es le bienvenu ici, Aldanor des S’Armunaï.

— Au nom de Muna, je te remercie, Ayla.

Il eut un sourire timide.

— Peut-être es-tu mamutoï ou zelandonii, mais sais-tu que parmi les S’Armunaï on t’appelle S’Ayla, Mère de l’Étoile du Loup, envoyée pour anéantir Attaroa, la Malfaisante ? On raconte tant d’histoires sur toi que je ne croyais pas que tu étais quelqu’un de réel. Je pensais que tu étais une légende. Lorsque Danug et Druwez se sont arrêtés à notre camp et ont annoncé qu’ils faisaient un Voyage pour te rendre visite, je leur ai demandé si je pouvais les accompagner. Je n’arrive pas à croire que j’ai fait ta connaissance !

Ayla sourit et secoua la tête.

— Je ne sais rien des histoires et des légendes. Les gens croient souvent ce qu’ils ont envie de croire, dit-elle en pensant qu’il avait l’air d’un gentil garçon.

— J’ai quelque chose pour toi, dit Danug. Si tu veux bien entrer, je vais te le donner.

Elle le suivit dans un petit abri couvert de peaux, apparemment leur tente de voyage, et le regarda fouiller dans ses bagages. Il en tira un menu objet soigneusement enveloppé et attaché avec une ficelle.

— Ranec m’a dit de te remettre ça en mains propres.

Ayla défit le petit paquet. Elle ouvrit de grands yeux et resta bouche bée devant son contenu : un cheval taillé dans de l’ivoire de mammouth, assez petit pour tenir dans le creux de sa main et sculpté de manière si exquise qu’il paraissait vivant. Il tendait la tête en avant, comme s’il luttait contre le vent. Les lignes creusées dans la crinière dressée et la robe à poils hirsutes évoquaient la texture rugueuse de la peau du petit cheval des steppes sans masquer son allure trapue. L’ocre jaune avec lequel avait été teinté l’animal correspondait exactement à la nuance d’un cheval qu’elle connaissait bien, tandis que les jambes et la colonne vertébrale avaient été ombrées de noir.

— Oh, Danug, il est superbe… C’est Whinney, n’est-ce pas ? ajouta Ayla en souriant, les yeux brillants de larmes.

— Oui, bien sûr. Il a commencé à sculpter ce cheval dès que tu es partie.

— Je crois que la chose la plus pénible que j’aie faite dans ma vie a été d’annoncer à Ranec que je partais avec Jondalar. Comment va-t-il ?

— Bien, Ayla. Il s’est uni à Tricie à la fin du même été. Tu sais, cette femme qui avait un bébé probablement engendré par son esprit ? Elle a trois enfants maintenant. Elle est querelleuse, mais elle lui convient bien. Elle s’emporte à propos d’une broutille et il se contente de sourire. Il dit qu’il aime bien son esprit. Elle est incapable de résister à son sourire et elle l’aime vraiment. Je crois cependant qu’il ne t’oubliera jamais complètement. Ça a créé quelques difficultés entre eux au départ.

— Quel genre de difficultés ? demanda Ayla en fronçant les sourcils.

— Il la laisse faire presque tout ce qu’elle veut et je crois qu’au début elle le croyait faible parce qu’il lui cédait si facilement. Elle le poussait à bout pour voir jusqu’où elle pouvait aller. Puis elle a eu des exigences ; elle voulait qu’il lui procure ceci ou cela. Il semblait s’en amuser. Aussi extravagant que ce fût, il réussissait à lui obtenir tout ce qu’elle demandait et il le lui offrait avec ce sourire que tu connais.

— Oui, je le connais, dit Ayla, souriant elle aussi à ce souvenir, les yeux humides. Content de lui comme s’il avait gagné un concours et imbu de son ingéniosité.

— Puis elle a tout chamboulé dans la maison, continua Danug. Son espace de travail, ses outils, toutes les choses qu’il accumulait et rangeait. Il ne s’y est pas opposé. À mon avis, il voulait voir ce qu’elle allait faire. Mais je me trouvais chez eux le jour où elle a décidé de déplacer ce cheval. Je ne l’ai jamais vu si en colère. Il n’a pas haussé le ton ; il lui a seulement dit de le remettre en place. Elle était surprise. Je ne pense pas qu’elle l’ait cru. Il lui cédait toujours. Il lui a répété de le remettre où il était et, comme elle n’obtempérait pas, il lui a saisi le poignet, assez durement, le lui a pris de la main et lui a demandé de ne plus jamais toucher à ce cheval. Si elle le refaisait, il romprait leur union et paierait le prix. Il lui a dit qu’il l’aimait mais qu’elle ne posséderait jamais une certaine partie de lui. Si elle ne l’acceptait pas, elle n’avait qu’à s’en aller.

« Tricie est sortie en pleurant de leur logis, mais Ranec s’est contenté de reposer le cheval à sa place, de s’asseoir et de se mettre à sculpter. Lorsqu’elle est finalement revenue, il faisait nuit. Je n’ai pu m’empêcher d’entendre ce qu’ils disaient ; leur foyer est voisin du nôtre et, bon, j’avais sans doute envie d’entendre. Elle lui a dit qu’elle l’aimait, qu’elle l’avait toujours aimé et voulait rester avec lui, même s’il t’aimait encore. Elle a promis de ne plus toucher au cheval et elle a tenu sa promesse. Après cela, elle l’a respecté ; ça lui a fait prendre conscience de ses sentiments pour lui. Il est heureux, Ayla. Je crois qu’il ne t’oubliera jamais, mais il est heureux.

— Je ne l’oublierai jamais non plus. Je pense encore à lui de temps en temps. Si je n’avais pas rencontré Jondalar, j’aurais pu être heureuse avec lui. Je l’aimais vraiment ; c’est seulement que j’aime Jondalar davantage. Parle-moi des enfants de Tricie.

— Cette conjonction des esprits a produit un mélange intéressant. L’aîné est un garçon – tu l’as vu, n’est-ce pas ? Tricie l’a emmené à la Réunion d’Été.

— Oui, je l’ai vu. Il était très clair de peau. Il l’est toujours autant ?

— Il a la peau la plus blanche que j’aie jamais vue, sauf qu’elle est couverte de taches de rousseur. Tricie est rousse et elle est claire de peau, mais pas autant que lui. Il a les yeux bleu pâle et les cheveux roux et crépus. Il ne supporte pas le soleil et ça lui fait mal aux yeux. Mais en dehors de sa couleur de peau et de ses cheveux, il ressemble à Ranec comme deux gouttes d’eau. Ça fait un drôle d’effet de les voir ensemble, la peau brune de Ranec à côté de celle de Ra, toute blanche, mais le visage est le même. Il a encore plus le sens de l’humour que Ranec. Il fait déjà rire tout le monde et adore voyager. Ça ne m’étonnerait pas qu’il devienne conteur itinérant. Je suis impatient de voir ce qu’il va faire quand il sera assez âgé pour partir seul. Il voulait nous accompagner au cours de notre Voyage. S’il avait eu quelques années de plus, je l’aurais emmené. Il aurait été de bonne compagnie.

« La fille de Tricie est une beauté. Elle a la peau foncée, mais pas comme Ranec, les cheveux noirs comme la nuit et bouclés. Les yeux noirs. Le regard grave. C’est une petite chose délicate et silencieuse, mais tous les hommes qui la voient sont en extase devant elle, je te le jure. Elle n’aura pas de mal à trouver un compagnon.

« Quant au bébé, il est brun comme Ranec, mais, bien qu’il soit trop tôt pour se prononcer, je crois qu’il ressemblera plus à Tricie.

— Il semble que Tricie ait enrichi le Camp du Lion, Danug. J’aimerais bien voir ses enfants. J’ai une petite fille, moi aussi, dit Ayla.

Elle se souvint brusquement qu’elle aurait pu en avoir une autre bientôt si elle n’avait pas été appelée dans la grotte.

J’aimerais lui expliquer que ce n’est pas seulement la fusion des esprits qui engendre les enfants, pensa-t-elle.

— Je sais. J’ai fait la connaissance de Jonayla. Elle te ressemble énormément, sauf qu’elle a les yeux de Jondalar. J’aimerais bien pouvoir la ramener avec moi et lui faire connaître tout le monde. Nezzie l’adorerait. Je suis déjà amoureux d’elle, comme j’étais amoureux de toi quand j’étais gamin, dit Danug en riant de plaisir.

Ayla avait l’air si surprise qu’il rit de plus belle et, à travers son rire, elle entendait celui, tonitruant, de Talut.

— Amoureux de moi ?

— Ça ne m’étonne pas que tu ne l’aies pas remarqué. Entre Ranec et Jondalar, tu avais l’esprit assez occupé comme ça, mais je n’arrêtais pas de penser à toi. Je rêvais de toi. En fait, je t’aime toujours, Ayla. N’aimerais-tu pas retourner au Camp du Lion avec moi ? dit-il avec un grand sourire, l’œil pétillant d’un désir empreint de nostalgie, une passion qui ne pourrait jamais être satisfaite.

Elle détourna le regard quelques instants, puis changea de sujet :

— Parle-moi des autres. De Nezzie et Talut, de Latie et de Rugie.

— Mère va bien. Elle se fait vieille, c’est tout. Talut perd ses cheveux, à son grand dam. Latie a un compagnon et une fille ; elle parle toujours de chevaux. Rugie cherche un compagnon, ou plus exactement les jeunes gens la recherchent. Elle a connu les Premiers Rites, Tusie aussi, en même temps. Oh, et Deegie a deux fils. Elle m’a dit de te transmettre ses pensées affectueuses. Tu n’as jamais connu son frère, Tarneg, n’est-ce pas ? Sa compagne a trois enfants. Tu sais qu’ils ont bâti une hutte en terre dans le voisinage ; Deegie et Tarneg sont Homme et Femme Qui Commandent. Tulie est contente car elle peut voir ses petits-enfants presque tous les jours. Et elle a pris un autre compagnon. Barzec dit qu’elle est trop femme pour n’avoir qu’un homme.

— Je le connais ? demanda Ayla.

Danug sourit.

— En fait, oui. C’est Wymez.

— Wymez ?! Tu veux dire celui du foyer de Ranec, le tailleur de silex que Jondalar admire tant ?

— Oui, ce Wymez-là. Il nous a tous surpris, y compris Tulie, je crois. Et Mamut est parti pour le Monde d’Après. Nous en avons un nouveau, mais il est difficile de s’habituer à avoir quelqu’un d’autre au Troisième Foyer.

— Cela me fait beaucoup de peine. J’aimais ce vieil homme. J’ai reçu une formation pour devenir Une Qui Sert la Mère, mais c’est lui qui m’a instruite au départ. Mon apprentissage est presque terminé.

Ayla ne voulait pas en dire trop avant d’avoir parlé à Zelandoni.

— C’est ce que Jondalar m’a dit. J’ai toujours pensé que tu servirais la Mère. Mamut ne t’aurait jamais adoptée s’il ne l’avait pas pensé aussi. Il fut un temps où ceux du Camp du Lion croyaient que tu deviendrais leur Mamut, quand le vieil homme aurait quitté ce monde. Ayla, peut-être es-tu zelandonii ici, mais tu es toujours mamutoï, tu fais toujours partie du Camp du Lion.

— Je suis heureuse de l’entendre. Quels que soient les noms ou liens que je pourrai jamais avoir, au fond de mon cœur, je serai toujours Ayla des Mamutoï.

— Tu as en effet acquis des noms et laissé dans ton sillage un chapelet d’histoires au cours de votre Voyage, dit Danug. Je n’ai pas seulement entendu parler de toi par les S’Armunaï, mais par des gens qui ne t’avaient jamais rencontrée. On a tout dit de toi, que tu étais une guérisseuse chevronnée, la maîtresse de forces spirituelles étonnantes, une muta vivante – je crois qu’ici on dit donii –, une incarnation de la Grande Terre Mère Elle-même venue aider Son peuple. Et Jondalar était son beau compagnon blond – son « pâle amant rayonnant », comme on dit ici. Même Loup était une incarnation, celle de l’Étoile du Loup. Dans les histoires qu’on raconte sur lui, il est aussi bien l’animal vengeur que la gentille créature qui veille sur les petits enfants. Les chevaux aussi. Des animaux merveilleux dont le Grand Esprit du Cheval te permettait de te faire obéir. D’après une histoire, racontée chez les gens d’Aldanor, les chevaux étaient capables de voler et de vous ramener chez vous dans le Monde d’Après, toi et Jondalar. J’en arrivais à me demander si toutes ces histoires parlaient des mêmes personnes, mais après avoir bavardé avec Jondalar, je sais que vous avez vécu des aventures passionnantes.

— Les gens aiment bien grossir la réalité pour la faire paraître plus captivante. Et qui prouvera le contraire une fois que ceux dont on parle seront partis ? Nous n’avons fait que revenir au foyer de Jondalar. Je ne doute pas que tu aies eu aussi ta part d’aventures.

— Mais nous n’avons pas voyagé avec deux chevaux magiques et un loup.

— Danug, tu sais très bien que ces animaux n’ont rien de magique. Tu as vu Jondalar dresser Rapide et tu étais là quand j’ai ramené Loup encore tout petit au logis.

— À propos, où est-il ? Je me demande s’il se souvient encore de moi.

— Dès que nous sommes arrivés, il a couru chercher Jonayla. Apparemment, elle est avec des camarades de son âge en train de préparer quelque chose pour la Zelandonia. Mais je n’ai pas encore vu Jondalar. A-t-il parlé d’aller chasser ?

— Pas à moi, répondit Danug. Nous ne sommes pas là depuis longtemps. Nous sommes des étrangers venus de loin, mais, présentés par Jondalar comme étant de ta famille, nous avons été accueillis à bras ouverts. Tout le monde veut entendre nos histoires et pose des questions sur notre peuple. On nous a demandé de participer aux Premiers Rites. Même à moi, grand et fort comme je suis, bien qu’on m’ait interrogé sur mon expérience avec les jeunes filles, et une ou deux femmes-donii m’ont mis à l’épreuve.

Le jeune colosse rit de plaisir.

— Jondalar a servi d’interprète pour nous au début, mais nous avons appris le zelandonii et maintenant nous ne nous débrouillons pas trop mal tout seuls. Les gens ont été très gentils avec nous ; ils veulent sans cesse nous faire des cadeaux, mais tu sais que mieux vaut voyager léger. À propos, j’ai apporté quelque chose que tu avais laissé là-bas. Je l’ai donné à Jondalar. Tu te souviens de ce morceau d’ivoire que Talut vous avait donné quand vous êtes partis ? Celui où avaient été indiqués des repères pour vous aider à prendre la bonne direction au départ de votre Voyage ?

— Oui. Nous avions dû le laisser par manque de place.

— Laduni me l’a remis pour que je vous le rende.

— Ça a dû faire plaisir à Jondalar. Il voulait le garder en souvenir de son séjour au Camp du Lion.

— Je le comprends. Les S’Armunaï m’ont donné quelque chose que je vais précieusement garder. Je vais te le montrer.

Il sortit un petit mammouth fait d’un étrange matériau très dur.

— J’ignore quelle sorte de pierre c’est. Aldanor affirme qu’ils la fabriquent, mais je ne sais si je dois le croire.

— Ils la fabriquent effectivement. Ils utilisent de l’argile humide, lui donnent forme et la cuisent avec un feu très chaud dans un espace clos, comme un four aménagé dans le sol, jusqu’à ce qu’elle devienne dure comme de la pierre. J’ai vu la S’Armunaï du Camp des Trois Sœurs le faire. C’est elle qui a découvert comment obtenir cette pierre…

Ayla s’interrompit et prit une expression lointaine, comme si elle regardait dans sa mémoire.

— Elle n’était pas méchante, mais Attaroa l’a fait sortir du droit chemin pendant quelque temps. Les S’Armunaï sont des gens intéressants.

— Jondalar m’a dit ce qui vous était arrivé là-bas, dit Danug. Cependant Aldanor n’est pas du même Camp. Nous nous sommes arrêtés pour la nuit aux Trois Sœurs. J’ai trouvé bizarre qu’il y ait autant de femmes, mais elles se sont montrées très hospitalières. Après avoir parlé avec Jondalar, je me suis rendu compte que je ne serais peut-être pas arrivé jusqu’ici si vous n’étiez pas passés par là avant. J’en frémis rien qu’en y pensant.

Le rabat de cuir de l’entrée s’écarta. Un homme passa la tête à l’intérieur.

— Si j’avais su que tu voulais la garder pour toi seul, j’aurais réfléchi à deux fois avant de t’emmener avec nous à cette Réunion d’Été, jeune homme, dit-il d’un ton sévère avant de sourire. Je ne peux t’en blâmer, je sais que tu ne l’as pas vue depuis longtemps, mais beaucoup d’autres veulent parler à cette jeune personne.

— Dalanar ! s’exclama Ayla en se levant et en sortant de la petite tente pour l’embrasser.

Il avait vieilli mais ressemblait toujours beaucoup à Jondalar ; à sa vue, une bouffée d’affection l’envahit.

— Danug et ses deux compagnons sont arrivés avec toi ? Comment t’ont-ils trouvé ?

— Par hasard, à moins que cela n’ait été voulu, ça dépend comment on le voit. Certains d’entre nous étaient partis chasser. Une vallée proche d’ici attire beaucoup de troupeaux de passage. Ils nous ont vus et nous ont fait comprendre qu’ils voulaient participer à la chasse. Nous étions très contents d’avoir trois jeunes gens vigoureux en renfort. J’avais déjà commencé à penser que si la chasse était vraiment bonne, assez pour faire des réserves de viande pour l’hiver prochain et en emporter avec nous, nous pourrions peut-être aller à la Réunion des Zelandonii cette année.

« Leur aide a été décisive. Nous avons tué six bisons. C’est seulement en fin de soirée que ce jeune homme a commencé à s’enquérir de toi et de Jondalar et a demandé comment trouver les Zelandonii, expliqua Dalanar en montrant le géant roux qui sortait de la tente.

« La langue a posé un petit problème. Danug n’était capable que de répéter : “Jondalar de la Neuvième Caverne des Zelandonii.” J’ai tenté de lui expliquer que Jondalar était le fils de mon foyer, mais sans grand succès, continua le vieil homme. Puis Echozar est revenu de la mine de silex et Danug s’est mis à communiquer par signes avec lui. Il a été surpris de constater qu’Echozar était capable de parler mais beaucoup moins que celui-ci en voyant Danug et Druwez s’adresser à lui par signes. Quand Echozar leur a demandé où ils avaient appris, Danug nous a parlé de son frère, un garçon adopté par sa mère, décédé maintenant. Il a dit que c’était toi qui avais appris à tous le langage des signes afin qu’ils puissent s’exprimer et se faire comprendre.

« C’est de cette façon que nous avons réussi à communiquer au début. Danug et Druwez parlaient à Echozar par signes et il traduisait. J’ai alors pris une décision et j’ai dit à Danug que nous allions à la Réunion d’Été des Zelandonii et que j’étais disposé à les emmener avec nous. Le lendemain, Willamar et sa petite troupe sont arrivés. C’est étonnant de voir avec quelle facilité il communique avec les gens même s’il ne connaît pas leur langue.

— Willamar est ici lui aussi ? s’exclama Ayla.

— Oui, je suis là.

Ayla se retourna et sourit de plaisir en voyant le vieux Maître du Troc. Ils s’étreignirent chaleureusement.

— Tu es venu avec les Lanzadonii aussi ?

— Non, répondit Willamar. Il nous restait encore quelques haltes avant d’achever notre tournée. Nous sommes arrivés il y a quelques jours. Je m’apprêtais à repartir pour la Neuvième Caverne.

— Je suis de ceux qui ont vu arriver la Neuvième Caverne, dit Danug. Quand j’ai aperçu les chevaux au loin, j’ai su que ce devait être les gens avec qui tu vis, Ayla. J’ai été très déçu de ne pas te trouver parmi eux, mais content de voir Jondalar. Lui au moins parle le mamutoï. J’ai tout de suite compris que Jonayla était votre fille, surtout quand je l’ai vue sur le dos du cheval gris. Si tu n’étais pas venue, je serais reparti avec la Neuvième Caverne et je t’aurais fait la surprise, mais c’est toi qui nous as surpris.

— Tu es une surprise, Danug, une surprise bienvenue. Et tu peux toujours aller rendre visite à la Neuvième Caverne, tu sais, dit Ayla avant de se tourner vers Dalanar. Je suis heureuse que tu aies décidé de venir avec les Lanzadonii. Jerika est-elle avec vous ? Marthona sera très déçue de ne pas vous voir tous.

— J’ai été désolé d’apprendre qu’elle ne venait pas. Jerika avait hâte de la voir aussi. Incroyable comme elles sont devenues bonnes amies ! Comment va Marthona ?

— Pas très bien, répondit Ayla. Elle se plaint d’avoir mal aux articulations, mais il n’y a pas que cela. Elle a une douleur dans la poitrine et peine à respirer quand elle se surmène. J’avais l’intention de venir à la Réunion dès que possible, mais je répugnais à la laisser. Elle semblait cependant aller mieux quand je suis partie.

— Tu crois vraiment ? demanda Willamar, l’air grave.

— Elle a dit que si elle s’était sentie aussi bien quand la Neuvième Caverne est partie, elle serait peut-être venue, mais je ne crois qu’elle aurait pu faire tout le trajet à pied.

— Quelqu’un aurait pu la porter, dit Dalanar. J’ai porté deux fois Hochaman sur mes épaules jusqu’aux Grandes Eaux de l’Ouest avant sa mort.

Il se tourna vers Danug.

— Hochaman était le compagnon de la mère de Jerika. Ils ont fait tout le voyage depuis les Mers Sans Fin de l’Est. Ses larmes étaient mêlées du sel des Grandes Eaux de l’Ouest, mais c’étaient des larmes de joie. Son vœu le plus cher était d’aller aussi loin que va la terre, plus loin que personne n’était jamais allé. Je n’ai jamais entendu dire que quelqu’un soit allé plus loin.

— Nous nous sommes souvenus de cette histoire, Dalanar, et nous voulions la porter, mais elle ne voulait pas monter sur les épaules de Jondalar, dit Ayla. Elle avait l’impression que cela manquait de dignité, je crois. Elle ne voulait pas non plus chevaucher sur Whinney. Je lui ai demandé, elle ne voulait pas. Elle aime les chevaux, mais l’idée de monter dessus l’a toujours effrayée.

Elle remarqua le travois maintenant déchargé.

— Je suis en train de me demander… Willamar, tu crois qu’elle accepterait de se déplacer sur les perches ?

— Quelques hommes pourraient aussi se relayer pour la porter sur une litière, suggéra Dalanar. À quatre, un à chaque coin, ce serait facile. Elle n’est pas lourde.

— Et elle pourrait s’asseoir, elle ne serait pas obligée de toujours regarder vers l’arrière. Je suis tentée de demander à Jondalar de retourner la chercher, mais je ne l’ai pas encore vu. Tu étais avec lui, Dalanar ? demanda Ayla.

— Non, je ne l’ai pas vu de la journée. Il peut être n’importe où. Tu sais comment ça se passe à une réunion comme celle-ci. Je n’ai même pas vu Bokovan de la journée.

— Bokovan ? Joplaya et Echozar sont ici ? Je croyais qu’Echozar avait dit qu’il ne reviendrait jamais, après toutes les histoires provoquées par son union avec Joplaya ! s’étonna Ayla.

— Ça n’a pas été facile de le persuader. Jerika et moi pensions qu’il devait venir, pour le bien de Bokovan. Il va falloir qu’il se trouve un jour une compagne et il n’y a pas encore assez de Lanzadonii. Tous les jeunes sont élevés comme frères et sœurs et tu sais ce qu’il advient quand les enfants grandissent ensemble : ils ne se considèrent pas mutuellement comme des conjoints potentiels. J’ai dit à Echozar que seules quelques personnes s’étaient opposées à son union, mais il n’était pas convaincu. C’est seulement quand le grand Mamutoï, son cousin et son ami sont venus qu’il s’est décidé à partir. Ils nous ont beaucoup aidés.

— Qu’ont-ils fait ?

— Justement, répondit Dalanar. Ils n’ont rien fait. Tu sais que les gens semblent toujours mal à l’aise en présence d’Echozar quand ils le rencontrent pour la première fois ; toi, tu ne l’as jamais été, mais tu fais exception. Je crois que c’est pour cela qu’il a pour toi une affection particulière. Danug non plus n’a jamais montré de réticence à son égard ; il s’est mis tout de suite à parler avec lui par signes. Les jeunes S’Armunaï non plus ne semblaient pas terriblement gênés par Echozar. Apparemment, ils ne sont pas aussi hostiles à ceux qui sont d’esprit mêlé que certains Zelandonii.

— C’est vrai, confirma Ayla. Les mélanges semblent plus courants chez eux, et mieux acceptés, quoique pas complètement, surtout quand l’allure particulière des gens du Clan est aussi marquée que chez Echozar. Il aurait sans doute des problèmes même ici.

— Pas avec Aldanor. Les trois jeunes gens l’ont accepté aussi aisément que n’importe qui d’autre. Ils ne l’ont pas considéré comme une exception et ont été aimables avec lui sans se forcer. Ils l’ont traité comme n’importe quel autre jeune homme. Echozar s’est rendu compte que tout le monde ne le déteste pas ni ne s’oppose à lui. Il pouvait se faire des amis et Bokovan aussi. Ce jeune couple qui s’est formé en même temps que vous – Jondecam et Levela ? – a complètement adopté Bokovan. Il est là tout le temps à jouer avec leurs enfants et tous les autres qui courent partout dans le camp. Je me demande parfois comment ils supportent d’en avoir autant dans les jambes sans arrêt, s’interrogea Dalanar.

— Levela a une patience infinie, dit Ayla. Je crois qu’elle adore ça.

Elle se tourna vers Danug.

— Vous allez revenir avec nous à la Neuvième Caverne, n’est-ce pas ? Tu n’as fait que commencer à me rapporter les nouvelles en retard des membres du Camp.

— Nous espérons passer l’hiver avec vous. J’aimerais aller jusqu’aux Grandes Eaux de l’Ouest avant de rentrer. Et puis, je ne vois pas comment nous pourrions décider Aldanor à partir d’ici avant le printemps… au plus tôt, dit Danug en souriant à son ami.

Ayla lui lança un regard interrogateur.

— Pour quelle raison ?

— Quand tu le verras en présence de la sœur de Jondalar, tu comprendras.

— Folara ?

— Oui, Folara. Il est absolument, totalement fou d’elle. Et je crois que ce sentiment est peut-être réciproque. En tout cas, ça ne semble pas la déranger de passer du temps en sa compagnie. Beaucoup de temps…

Danug avait parlé mamutoï, langue similaire à celle d’Aldanor, qui avait appris à bien la maîtriser au cours de leur Voyage, et le nom de la sœur de Jondalar était le même dans n’importe quelle langue. Ayla vit le jeune homme rougir. Elle leva les sourcils puis sourit.

La grande et gracieuse jeune fille qu’était devenue Folara attirait facilement l’attention où qu’elle aille. Elle avait l’élégance naturelle de sa mère et le charme débonnaire de Willamar ; et comme Jondalar l’avait toujours prédit, Folara était belle. Sa beauté n’était pas tout à fait la manifestation achevée de la perfection qu’avait été Jondalar dans sa jeunesse – et qu’il était encore pour l’essentiel. Elle avait la bouche un peu trop généreuse, les yeux un peu trop espacés, ses cheveux châtain clair étaient légèrement trop fins, mais ces petites imperfections ne la rendaient que plus accessible et attirante.

Folara n’avait pas manqué de prétendants, mais aucun n’avait vraiment excité son imagination ni satisfait ses attentes inexprimées. Le peu d’empressement qu’elle mettait à choisir un compagnon rendait folle sa mère, qui voulait avoir un petit-enfant de sa fille. Après avoir passé tant de temps avec elle, Ayla en était arrivée à mieux la connaître et elle savait que l’intérêt manifesté par Folara à l’endroit du jeune S’Armunaï importerait beaucoup à Marthona. La grande question était de savoir si Aldanor déciderait de rester chez les Zelandonii ou si Folara irait avec lui chez les S’Armunaï. Il faut que Marthona vienne ici, pensa Ayla.

— Willamar, as-tu remarqué que Folara n’était pas indifférente à ce jeune S’Armunaï ? demanda-t-elle en souriant au visiteur rougissant.

— Maintenant que tu en parles, j’ai l’impression qu’ils ont passé beaucoup de temps ensemble depuis que je suis ici.

— Tu connais Marthona, Willamar. Tu sais qu’elle aimerait être ici si Folara s’intéresse sérieusement à un jeune homme, surtout si celui-ci a l’intention de la ramener chez lui. Je suis certaine qu’elle viendrait ici si elle le pouvait.

— Tu as raison, Ayla, mais est-elle assez vigoureuse pour cela ?

— Tu as évoqué la possibilité de la transporter sur une litière, Dalanar. Combien de temps crois-tu qu’il faudrait à quatre jeunes gens solides pour retourner à la Neuvième Caverne et la ramener ici ?

— Pas plus de quelques jours pour de bons coureurs, peut-être deux fois plus pour revenir, sans compter celui qu’il lui faut pour se préparer. Tu crois vraiment qu’elle se porte assez bien pour supporter le voyage ?

— Jerika se porterait-elle assez bien s’il s’agissait de Joplaya ? demanda Ayla.

Dalanar hocha la tête, convaincu.

— Marthona semblait aller beaucoup mieux quand je suis partie et, si elle n’a pas à faire d’effort physique, je crois qu’elle sera tout aussi bien ici, où tant de gens peuvent l’aider, qu’à la Neuvième Caverne, poursuivit la jeune femme. Elle aime les chevaux, les regarder ou les flatter et, en l’occurrence elle sera certainement disposée à se déplacer sur des perches pour venir ici, mais elle sera plus à l’aise sur une litière et pourra bavarder en chemin avec ses compagnons de voyage. J’aimerais avoir l’avis de Jondalar, mais apparemment il n’est pas dans les parages. Est-ce que toi, Dalanar et peut-être Joharran, vous pouvez organiser ça, Willamar ?

— Je crois, Ayla. Tu as probablement raison. Il faut que la mère de Folara vienne si celle-ci envisage sérieusement une union, surtout avec un étranger.

— Mère ! Mère ! Te voilà ! Tu es enfin arrivée ! lança une jeune voix.

Cette interruption charma Ayla. Elle se retourna, sourit et ses yeux s’éclairèrent en tendant les bras à la fillette qui courait vers elle, le loup bondissant gaiement à son côté. Sa fille sauta dans ses bras.

— Tu m’as tant manqué, murmura Ayla en la serrant contre elle, avant de se reculer pour la regarder et de la serrer de plus belle dans ses bras.

— Je n’arrive pas à croire que tu aies tant grandi, dit-elle en la reposant à terre.

Zelandoni avait suivi l’enfant à une allure plus tranquille. Elle sourit chaleureusement en s’approchant d’Ayla.

— Tu as fini tes observations ? demanda-t-elle après qu’elles se furent embrassées.

— Oui, et j’en suis contente, mais c’était passionnant de voir le soleil s’arrêter et revenir en arrière et de consigner le phénomène. Le seul ennui, c’est que je n’avais personne qui le comprenne vraiment pour partager ces instants avec moi. Je n’arrêtais pas de penser à toi.

Zelandoni observa attentivement la jeune femme. Quelque chose avait changé en Ayla. Elle tenta de déterminer quoi. Ayla avait perdu du poids ; avait-elle été malade ? Son ventre aurait dû commencer à s’arrondir, mais sa taille était plus fine et sa poitrine plus menue.

Ô Doni, pensa-t-elle. Elle n’est plus enceinte. Elle a dû perdre son bébé avant qu’il naisse.

Mais il y avait autre chose, une confiance en soi, une assurance nouvelle dans ses manières, une acceptation de la tragédie. Elle savait qui elle était : une Zelandoni !

Elle a été appelée ! Elle a dû perdre son enfant à ce moment-là.

— Il va falloir que nous parlions, ne crois-tu pas, Ayla ? dit Zelandoni Qui Était la Première en insistant sur son nom.

On pouvait l’appeler Ayla, mais elle n’était plus Ayla.

— Oui, répondit la jeune femme.

Elle n’avait pas à en dire davantage. Elle savait que la Première avait compris.

— Et que nous parlions sans tarder.

— Oui.

— Et je suis désolée, Ayla. Je sais que tu voulais un enfant, ajouta-t-elle à voix basse.

Avant qu’Ayla ait pu répondre, d’autres gens s’étaient rassemblés autour d’elles.

 

 

Presque tous ses proches parents et amis vinrent au camp lui souhaiter la bienvenue. Tout le monde semblait être là, sauf Jondalar, et personne ne paraissait savoir où il était. D’ordinaire, quand quelqu’un sortait du camp seul ou avec une ou deux autres personnes, il disait où il allait. Ayla aurait pu commencer à s’inquiéter, mais, apparemment, personne d’autre ne le faisait. La plupart restèrent là pour prendre un repas ou un en-cas. Ils racontaient les événements qui avaient eu lieu, parlaient des autres, de ceux qui contractaient une union, qui avaient eu un autre enfant ou en attendaient un, qui avaient décidé de rompre le lien ou de prendre un deuxième compagnon ou une deuxième compagne, bref les potins habituels.

Dans l’après-midi, ils s’en allèrent peu à peu pour vaquer à d’autres activités. Ayla rangea son couchage et le reste de ses affaires. Elle était contente d’avoir emmené auparavant les chevaux au corral aménagé dans le pré au milieu des bois, moins pour les empêcher de s’enfuir que pour maintenir les gens à l’écart. Des chevaux dans un pré étaient considérés comme un gibier idéal en temps normal. Bien que tout le monde ait su que la Neuvième Caverne était venue avec des chevaux, pour bien faire comprendre qu’il s’agissait de ces deux-là, la parcelle où ils paissaient avait été clôturée de manière visible. Jondalar et Jonayla les emmenaient souvent dans les steppes herbeuses ou galoper, mais chaque fois qu’ils sortaient de l’enclos Ayla savait que quelqu’un était avec eux.

Jonayla retourna avec Zelandoni et Loup au quartier de la Zelandonia pour mettre la dernière main aux préparatifs de la soirée spéciale. Ayla décida de panser Whinney une bonne fois après leur chevauchée dans la chaleur et la poussière et elle alla à l’enclos, équipée de morceaux de cuir souple et de cardes. Elle brossa aussi un peu Rapide et Grise, uniquement pour les flatter et leur montrer de l’attention.

Elle regarda le petit ruisseau qui coulait sur le bord du vallon herbeux avant de se jeter dans la Rivière et elle se rappela la dernière fois où la Réunion avait eu lieu là. Il y avait un petit plan d’eau où l’on pouvait nager, un peu plus en amont, se souvint-elle. Rares étaient ceux qui le savaient car il se trouvait trop loin du camp pour être d’un accès commode. Elle ne connaissait pas alors aussi bien son peuple d’adoption ; Jondalar et elle y allaient quand ils voulaient s’isoler des autres et passer un moment ensemble.

Nager me ferait du bien, pensa-t-elle, et tant de gens se baignent dans la rivière qu’elle est boueuse. Elle se dirigea en amont vers le méandre où le ruisseau avait creusé son lit plus profondément près de la berge extérieure et laissé une grève herbeuse et une plage de petits galets à l’intérieur de la boucle. Elle sourit en songeant à Jondalar et à ce qu’ils faisaient au bord du ruisseau. Elle avait tant pensé à lui, à l’effet qu’il produisait sur elle… Elle s’échauffa en imaginant ses mains sur elle et sentit même une humidité entre ses jambes. Cela lui donna envie de faire un autre bébé.

À l’approche du plan d’eau, elle entendit des éclaboussements, puis des voix, et faillit faire demi-tour. Apparemment quelqu’un d’autre a trouvé l’endroit, pensa-t-elle. Je ne tiens pas à déranger un couple désireux d’être seul. Mais peut-être n’est-ce pas un couple, seulement des gens venus nager. En approchant davantage, elle entendit une voix de femme, puis une autre, d’homme. Elle n’arrivait pas à distinguer leurs paroles, mais quelque chose dans cette voix la contrariait.

Elle se déplaçait aussi silencieusement que lorsqu’elle traquait un animal avec sa fronde. Elle entendit encore parler, puis un rire profond empreint d’un total abandon. Elle n’avait pas entendu ce rire récemment, mais elle le connaissait. La voix de la femme se fit ensuite entendre et elle la reconnut. L’estomac noué, elle regarda à travers les broussailles qui bordaient la petite plage.

Le Pays Des Grottes Sacrées
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